1. Du XIe au début du XIIIe siècle : Le règne des Ainard. L'origine de la seigneurie des Ainard se situe à la fin du Xe siècle lorsque l'évêque de Grenoble Isarn, après avoir chassé du diocèse de Grenoble des envahisseurs payens avec l'aide d'une poignée de valeureux guerriers, distribue à ces derniers des terres en remerciement. C'est en 1058 que le château est cité pour la première fois, lors de la dédicace de l'église du prieuré. Le seigneur Ainard, à cette occasion, donne à Cluny la chapelle du château, dédiée à Saint-André, le fruit de ses noces et les oblations des hommes demeurant dans l'enceinte du château. C'est le terme de "castellum" qui est utilisé ici. La date de construction du château se situe donc entre l'arrivée de Rodolphe, vers 972, et le milieu du XIe siècle. Vers 1080,lorsque Ainard offre au monastère de Domène toute sa part des églises, il est dit que celles-ci sont situées dans l'alleu du château de Domène ("in alodo castri e jusdem Domina"). "Castrum" est employé dans ce texte. Ce bâtiment n'existe plus. Pourtant, il tint un rôle important au Moyen-Age et même après. La famille d'Arces s'est installée à Domène durant le Moyen-Age et y possède une maison-forte. Elle est connue sur titre depuis 1160. Le nom provient du lieudit d'Arces, apparaissant vers 1040 en la paroisse de Saint-Ismier où se trouve une vieille tour carrée méritant le nom de donjon. Louis d'Arces au XIIe siècle, n'a qu'une fille, Guiffrède, qui épouse en 1216 Hugues de Morard ; leurs deux premiers fils relèvent le nom maternel et cinq branches en sont issues ; le dernier fils continue le nom paternel. C'est donc une de ces cinq branches d'Arces qui se fixe à Domène où elle tient une maison-forte au XIIIe siècle. Outre le prieuré, existaient à Domène au XIe siècle une ou deux églises et deux chapelles, toutes disparues de nos jours.
C'est un certain Rodolphe à qui revînrent celles situées à Domène et dans les environs.
Elles s'étendent depuis la Coche de Theys jusqu'au ruisseau du Domeynon, soit un territoire comprenant 16 communes actuelles qui sont les suivantes :
Dans le canton de Domène :
La Combe de Lancey, Domène, Laval, Revel, Saint-Jean-le-Vieux, Saint-Mury-Monteymond, Sainte-Agnès, Le Versoud et Villard-Bonnot.
Dans le canton de Goncelin :
Les Adrets, Le Champ-près-Froges, Froges, Hurtières, La Pierre, Tencin et Theys.
La comune de Murianette, à l'origine non comprise dans le mandement puisqu'au-delà du Domeynon, semble y avoir été très vite inclue.
En effet, ce fief épiscopal, donné en alleu et dans lequel les seigneurs construisent un château à chaque extrémité à une date indéterminée, déborde rapidement de ses limites :
En l'an 1000, Rodolphe donne à Cluny et à l'abbé Odilon un manse à Murianette.
En 1027, le successeur du premier Rodolphe, portant le même nom, fait don à la même abbaye, en plus de l'église Saint-Georges de Domène, de la moitié d'un pêcheur à Saint-Hélène, c'est à dire en Savoie, dans les environs de Montmélian.
En 1058, lors de la dédicace de l'église du prieuré de Domène fondé par Ainard 1er, fils de Rodolphe, la famille Ainard offre en plus des églises de Domène qu'elle s'est appropriées (Saint-Georges, Saint-André et Saint-Clément), une serie de biens qu'elle détient à Saint-Ferjus et à Miséré sur la rive droite, à Vaulnaveys, à La Mure, dans le Trièves et dans le Champsaur.
En 1080, Ainard II, fils du précédent, décrit le fief de Domène tel qu'il est devenu.
Sur l'étendue du mandement, il possède tous les droits et la justice ; la villa de Murianette toute entière s'est ajoutée à ses terres ; il s'est approprié des biens de nature épiscopale puisque le cimetière de Tencin, les dîmes de Froges, Mont Reculat et Monteymont lui reviennent, et il a instauré des redevances sur les ruisseaux de Vorz et de Brignoud ; il reçoit en plaid sur chaque nouveau moulin 5 sous, et pour chaque nouveau battoir 2,5 sous. Mais ce patrimoine se trouve déjà morcelé puisqu'à la même époque, le frère d'Ainard nommé Ponse-Ainard, détient un fief dans lequel Ainard n'a aucune part ; ce fief est constitué de dix manses dans la paroisse de Saint-Ismier jusqu'à la "Buxeria" de Bouqueron, trois manses dans le mandement de Gières et trois autres dans la paroisse de Monteymond, le tout remontant à la faveur de l'évêque Ponse Claude.
On peut voir d'après les écrits relatifs aux Ainard que le simple propriétaire foncier de la fin du Xe siècle est devenu petit à petit le seigneur et le justicier, qui a la garde des églises, cimetières et dîmes, la jouissance exclusive de certains cours d'eau et de monopoles divers.
Le château des premiers seigneurs de Domène est situé juste au-dessus du bourg, sur les premiers contreforts de montagne.
2. Les comtes de Genève.
a) Le temps des comtes de Genève.
Au milieu du XIIIe siècle, une mutation s'opère au sein de la seigneurie de Domène, mais on en ignore les raisons.
En 1244, le dauphin Guigues acquiert par échange avec Pierre et Guigues Ainard les terres de Domène, la Pierre et Theys. Il leur donne pour cela la terre de Savel en toute justice, laquelle avait été donnée par la dame Delaye à la duchesse Béatrix : les frères Ainard remirent quant à eux tout le droit et la seigneurie que Guigues Ainard, leur père avait au château et mandement de Theys, à savoir la maison ou tour avec tout le tènement, prés, vignes, hommes, cens, rentes, vernes, paquerages, bois, montagne, fief, seigneurie,juridiction mère, mixte et impère, et autres droits corporels et incorporels situés depuis le lieu de Gières jusqu'à Allevard, et tout ce qui était enclos entre les plus hautes montagnes de l'Isère.
en 1246, Pierre, évêque de Grenoble, en investit le dauphin qui lui rend hommage.
Puis, dès 1252, on apprend que Guillaume, comte de Genève, possède par le prélat des terres en Grésivaudan ; son fils Rodolphe passe reconnaissance à ce dernier, en 1255, du château de Domène et lui rend hommage, sauf celui qu'il doit au dauphin.
Entre 1246 et 1252, les comtes de Genève ont donc été mis en possession des terres de l'alleu de Domène dépendant de l'évêque. Pour celles relevant du dauphin, il leur faut attendre le mois de mars 1283 : les officiers des châteaux de la Pierre, Domène et Theys sont sommés par le juge des comtes de Vienne et d'Albon et par le châtelain de Theys et Morêtel de rendre au comte de Genève les devoirs dûs précédemment au dauphin.
A partir de la fin du XIIIe siècle se succèdent en effet les hommages et reconnaissances aux comtes de Genève de la part des habitants des trois châtellenies. Les comtes quant à eux en font autant vis à vis des dauphins et des évêques de Grenoble.
Lorsque le Dauphiné est uni à la France en 1349, les comtes de Genève en sont inquiets et s'unissent à ceux de Savoie pour chercher noise au dauphin, qui confisque alors les terres de la rive gauche. Elles sont restituées à Amédée III en 1354 après un traité de paix. Amédée IV meurt en 1368, et commence alors une interminable succession de procès entre le dauphin et les comtes de Genève à propos des mêmes terres.
Le frère d'Amédée lui succède mais disparait un an après, laissant la place à un troisième frère, Pierre. En 1387, un procès s'engage car ce dernier refuse de prêter hommage au dauphin ; Philippe le Hardi, arbitre de l'affaire, le somme de se soumettre en 1389, ce que Pierre refuse, déclarant qu'il préfère perdre ses fiefs.
Par cette opposition, il perd tous ses droits sur lesdits fiefs et le roi-dauphin les revendique en vertu du droit de mainmorte que les comtes ont toujours exercé sur leurs vassaux, puisqu'Amédée IV était mort sans enfant. En 1292 pourtant, le pape Clément VII, autre frère des précédents comtes, réclame le mandement en héritage ; il en rend hommage au gouverneur du Dauphiné et le roi déclare renoncer pendant la vie du Pontife, à tout exercice de souveraineté sur les dits fiefs. Mais à la mort de Clément VII, en 1394, les terres de Theys, La Pierre et Domène tombent définitivement sous la tutelle delphinale.
b) Château et mandement.
Au XIIIe siècle, le château de Domène n'est plus comme au XIe siècle le siège principal du mandement, qui est appelé du nom des trois châteaux dominant ces terres, à savoir Theys, La Pierre et Domène. Celui de Theys semble avoir pris la tête, puisque dans l'acte d'échange de 1244, il est question uniquement du château et mandement de Theys. On peut d'ailleurs remarquer que les terres concernées, données par les Ainard, s'étendent à cette date jusqu'à Allevard, c'est-à-dire que sont englobées dans le mandement celles de Goncelin et Morêtel.
Les comtes de Genève ne s'installent pas dans leur fief du Grésivaudan mais placent à la tête des trois châtellenies un officier châtelin, ainsi que l'avaient fait auparavant les dauphins entre 1244 et 1283.
La châtellenie de Domène se réduit désormais à un territoire s'étendant depuis le château de Gières jusqu'à celui de La Pierre, ce qui correspond à l'actuel canton de Domène plus les communes des Adrets, de Champ-près-Froges et de Froges. Le château de Domène dépend de l'évêque de Grenoble puisqu'en 1255, Rodolphe de Genève reconnait le tenir de Falque, "jusqu'à l'eau de ce nom", c'est-à-dire le ruisseau du Domeynon ; il lui doit pour cela 60 livres de cire de cens aux foires de Grenoble et l'hommage.
Ce château du XIIIe siècle, on ignore s'il était le même que celui du XIe siècle. Il se trouvait en tous cas dans le bourg de Domène ou immédiatement à côté, puisque dans la charte de franchise de 1273, il est question des habitants "in castro seu burgo et suburbiis ipsorum" : le château et le bourg sont confondus. S'agit-il encore du château à motte, transformé par la suite en forteresse de pierre dont les remparts, descendant autour de la colline, auraient englobé le bourg, ou bien d'une nouvelle construction au milieu des maisons, entreprise par les comtes de Genève?.
Le terme de suburbiis indique en tous cas que Domène s'est étendue à cette date au-delà de son noyau initial et que la localité a pris une certaine importance.
Cette charte de franchise de 1273 est accordée non seulement par le comte de Genève, mais aussi par le seigneur de Revel qui possède une partie du mandement de Domène en fief du comte.
En 1303, lors d'un différent entre les deux seigneurs au sujet des limites de leurs terres, on apprend qu'Amédée, comte de Genève, tient toute la juridiction mère, mixte et impère dans l'étendue de la franchise de Domène et dans les territoires des villages du Versoud, de Villard-Bonnot, de Lancey, de Sainte-Agnès et de Laval, le ruisseau de Vors restant commun entre les deux parties, chacune pouvant de son côté y construire des artifices.
c) Seigneur et vassaux.
Les comtes de Genève, par l'intermédiaire de leur châtelains, jouissentde nombreux droits seigneuriaux sur leurs vassaux : justice, amendes, mainmorte, mutation, foires et marchés, leydes, cens et redevances pour les fours et les moulins.
Tous ces pouvoirs sont délégués à différents officiers :
Les châtelains qui s'occupent de la justice, de la défense et de la bonnegarde du château. Celui de Domène en 1315, n'est qu'un simple chevalier, mais celui de Revel est un seigneur de la famille Alleman.
Les chevaliers, détenteurs de maisons-fortes, qui ont le même genre de fonctions, mais à titre plus restreint.
Les mistraux, qui en Dauphiné, n'ont pas charge de justice, mais doivent faire la recette des droits seigneuriaux et faire valoir les fonds dont ils disposent comme ils le jugent à propos ; ce sont donc des gardes de propriété, sur une étendue de terre de dimension variable, ayant pris le nom de mistralie ; plusieurs se répartissent le territoire qui nous concerne et on en connait au moins trois :
L'une s'étend sur les paroisses de Revel et de Domène
Une autre sur celle de Villard-Bonnot, Laval, Froges et La Pierre, tenue par la famille Morard de Theys
Et enfin une sur les paroisses de Venon et Murianette acquise au début du XIIIe siècle par Humbert de Bocsozel, seigneur de Gières. Le mistral est subordonné au châtelin et doit lui rendre compte de son administration.
Le véhier, officier jouant le rôle de police locale, récoltant les différentes amendes ; une véhérie existe à Domène.
En 1273, Aymon, comte de Genève et Pierre Alleman, seigneur de Revel, accordent aux habitants de Domène -le bourg ou le château ainsi que les faubourgs- une charte de franchise, fait assez peu courant à l'époque où peu de libertés sont concédées par des seigneurs autres que les dauphins. Comme pour celle d'Uriage, cela s'explique par l'influence ecclésiastique jouant beaucoup à Domène, et ces deux chartes prennent pour modèle celles de Grenoble effectuées en partie par des évêques.
- Comme pour les villes commercialement bien situées, les seigneurs confèrent aux habitants de Domène une personne morale qu'ils appellent "communitas".
- Les habitants de Theys, La Pierre et Domène sont déchargés de toute imposition sauf droit de fief.
- La punition des crimes est réglementée.
- Ceux qui viennent s'établir dans les limites de la franchise doivent trente sols à la caisse de la ville et prêter serment de fidélité au seigneur.
- Le seigneur conserve à Domène le droit de banvin, c'est à dire l'exclusivité de la vente du vin pendant un temps déterminé et à un prix assez élevé, mais il garantit qu'il ne le mélangera pas à de la "piquette", abus très courant à l'époque.
- Nobles et non nobles doivent assurer une garnison ou une garde pour la défense du château de Domène.
- Les habitants du bourg peuvent être convoqués trois fois par an aux chevauchées des seigneurs, mais ceux-ci doivent les défendre.
- En cas de conflit entre le seigneur de Revel et le comte de Genève, les roturiers sont autorisés à rester neutres alors que les nobles suivent le seigneur dont ils dépendent.
Cette charte, comme celle d'Uriage, exempte donc les habitants des charges personnelles et garantit en plus leurs personnes et leurs biens auprès de la juridiction seigneuriale. Amédée, comte de Genève, en 1290, accorde aux affranchis les mêmes libertés que celles de 1273.
Domène, tiraillé au cours des siècles entre les comtes de Genève, les dauphins et les évêques subit ici l'heureuse influence de ces derniers qui pourtant, à la fin du XIVe siècle, ne posséderont presque plus rien de leur ancien territoire tombé sous la tutelle exclusive des dauphins, hormis la paroisse de Murianette et une partie de celle de Domène.
La Motte de Domène haut de page
1. Les textes.
Vers 1090, Hugues, prieur de Domène, engage à la veuve de Ponce Chamousset la moitié d'un manse situé "ante predictum castellum".
A la même époque un testament s'effectue "apud castrum Dominam".
En 1110, Hugues évêque de Grenoble, donne au prieuré de Domène les églises de Revel, Saint-Jean-le-Vieux, Villard-Bonnot, et la chapelle du château de Domène (capellam de castro Domina). La chapelle du château est citée deux fois encore, en 1120, et en 1155 pour son chapelain, avec le mot "castello".
Sur les sept mentions dont nous disposons relatives au château de Domène, castellum est employé quatre fois et castrum trois fois, et pour désigner semble-t-il la même chose(l'un aurait pu signifier le château lui-même et l'autre le château plus l'enceinte).
2. La motte.
Elle porte aujourd'hui le toponyme de Château-Vert. Située un peu en dehors du bourg actuel, sur les premiers contreforts montagneux, elle domine le haut de Domène d'une cinquantaine de mètres.
On y accède par un petit sentier tortueux, s'élevant dans la forêt qui recouvre le site et rend difficile toute visite ou étude dès le printemps.
La construction de terre tient manifestement compte du relief naturel, c'est à dire d'une butte schisteuse barrant la forte pente d'un épaulement à la jonction des gorges abruptes du Domeynon et de la vallée de l'Isère.
L'emplacement choisi est suffisamment élevé pour que la vue s'étende en facejusqu'au massif de Chartreuse et sur une grande partie de la vallée du Grésivaudan ; du côté de la montagne , on peut même apercevoir la tour carrée de Sommiers sur la commune de Revel.
La motte, de forme tronconique possède encore son fossé, bien visible côté montagne ; il a été recreusé de main d'homme, l'apport de terre prélevée servant sans doute à surélever le promontoire ; mais bien comblé par le temps, son profil n'est pas discernable. Les côtés Est et Ouest de la butte sont protégés par les fortes déclivités surplombant les deux vallées. Il est possible par contre que la pente descendant vers Domène, au Nord, ait été accentuée sous la basse-cour pour en interdire l'accès.
Le sommet de la motte ne se trouve qu'à une demi-douzaine de mètres environ au-dessus du fossé (côté sud). La plate-forme sommitale, de forme indéfinissable est assez grande, puisqu'elle mesure à peu près 10 mètres par 15 mètres. Il reste quelques pans de murs de pierre, attestant donc une construction postérieure à la forteresse de terre ; cette tour de pierre était sans doute rectangulaire car la surface est trop importante pour être ronde. Au milieu de la plate-forme, une rupture de terrain laisserait penser à 2 niveaux dans la construction. Une pente forte relie la motte à sa basse-cour, à quelque 15 mètres plus bas, qu'aucun fossé ne sépare(une cupule est creusée au milieu, entre la motte et la basse cour mais elle est récente car aucun travail du temps n'apparait ; sans doute est-ce la substruction d'un bâtiment construit le siècle dernier). Cette basse-cour, de dimension assez restreinte, est à peu de chose près ovale. Quelques pans de murs de pierre la ceinturent encore à l'extérieur, du côté de Domène. Le chemin creux montant du bourg, longe du côté Est la basse-cour puis la motte ; sans doute a-t-il été recreusé récemment, car on aperçoit sur certaines pierresdes traces de dynamite ; c'est le profil type du chemin servant à descendre du bois. Pourtant, au niveau de la basse-cour, il devient véritable tranchée qui semble d'origine puisqu'un reste de mur de pierre soutient encore la plate-formeà cet endroit ; de l'autre côté de cette tranchée se trouve une autre plate-forme, petite et plus basse, sans trace de murs de pierre. Il est possible que l'on soitici en présence d'un système défendant l'accès de la fortification.
Les relations de ce château avec des sites religieux sont ici évidentes (non pas sur le terrain, mais dans les textes). Il existe une chapelle castrale dédiée à Saint-andré, dès le XIe siècle, mais aucun indice archéologique ne nous aiguille sur sa situation. Par contre, les textes à partir de 1100 parlent d'une chapelle Saint-Nicolas à Domène, située au "Monte Garcino" (Montgarcin) au-dessus de Domène. Or de nos jours, un quartier Saint-Nicolas se trouve dans le haut du bourg, tout contre les premières pentes montant vers la motte. C'est sans doute en cet endroit qu'avait été érigée cette chapelle. Les habitants parlent d'une statue ayant été découverte dans le coin.
Au XVIIIe siècle, sur l'mplacement de la motte existait encore un bâtiment mais en fort mauvais état : Mgr Jean de Caulet, en 1732, en effet, n'y trouve qu'une "vieille masure" appelée "château Verd".
Le fait qu'un bâtiment de pierre ait succédé à la construction en bois, puisqu'il en reste des substructions au sommet de la butte, peut signifier que le château du XIIIe siècle, contemporain des comtes de Genève, ait occupé le même emplacement.
La Maison forte ou Véhérie de Domène haut de page
A partir du XIVe siècle, la charge de véhier est attachée à une maison forte située à Domène.
Un véhier existe à Domène dès la fin du XIe siècle : Otmar aténulfe, vicarii de Domina. Le cartulaire de Domène ne nous donne aucune précision sur les fonctions de cet homme, fonctions qui d'une manière générale sont mal connues jusqu'au XIIIe siècle. A cette époque, un certain nombre existe dans la région (Gières, Bernin, Moirans...)
Le véhier est un officier préposé par le seigneur à la recette des deniers provenant de la justice. La plupart de ces offices ayant été inféodés par la suite, ont conservé leurs droits et perdu leurs fonctions. Dans le temps qu'elles subsistaient , la part du véhier sur sa recette était le tiers total. Plusieurs hommages rendus pour des véhéries font mention de ce tiers.
En plus de son rôle de police locale, le véhier surveille les marchés et perçoit un droit de leyde et les langues de boeufs, vaches, veaux, génisses abattus et mis en vente, ainsi que la moitié des amendes et condamnations.
A Domène, les Saint-Geoirs qui sont aussi seigneurs de Beaucroissant, assurent ces fonctions dès le début du XIVe siècle ; cette famille se trouve dans la vallée depuis le XIIe siècle et y possède des fonds considérables depuis Gières jusqu'à Theys et Morêtel.
Le premier Août 1313, Guillaume, comte de Genève, déclare maintenir Roger de Saint-Geoirs à la véhérie de Domène avec les droits en dépendant, soit la troisième partie des amendes, à charge de la tenir de lui en foi et hommage.
Rodolphe succède à son père Roger et prête hommage au dauphin en 1343.
Pierre de Saint-Geoirs, chevalier, fils de Rodolphe, déclare le 3 mai 1353, tenir en fief d'Aymon, comte de Genève, tous les biens qu'il possède sur le territoire de Domène, sauf le four étant de la directe du seigneur de Revel.
Dénombrement des biens :
- Une terre d'un demi-journal près du ruisseau.
- Différents cens et rentes.
- Langues de tous bovins tués et mis en vente.
- La moitié de la leyde du lieu.
- La maison-forte de Domène avec plaçages et appartenances, moulins et autres édifices confinant le chemin public par lequel on va au prieuré d'un côté, le grand ruisseau de l'autre côté et la grenette dudit lieu d'autre côté.
- Son office de véhier avec droits et profits.
- Une pièce de vigne et un verger.
- Une maison sous la véhérie, qui joint le chemin allant au monastère.
- Une pièce du bois Chapolier au lieu-dit la Haye, près du bois du château de Domène.
- Une pièce du bois Vernay, près de l'Isère à côté du bois du cloître de Domène.
- Les moulins de la Combe de Domène.
Par la suite, un différent eut lieu entre Pierre de Saint-Geoirs et les officiers delphinaux. En 1381, il présente une requête au Conseil Delphinal tendant à être maintenu dans la possession de la véhérie de Domène à laquelle était attaché le droit de percevoir le tiers du produit des amendes, compositions et autres revenus de la justice dudit lieu. Depuis que la terre de Domène est échue au dauphin, les officiers delphinaux ont prétendu s'emparer de la véhérie ainsi que de la leyde, de la gannerie et de l'office de meynier dont le suppliant et ses prédécesseurs avaient paisiblement joui depuis un temps immémorial.
En 1440, Antoine de Saint-Geoirs, co-seigneur de Beaucroissant, vend la véhérie de Domène à Aymon II de Chissé, évêque de Grenoble. Son successeur, Sibout de Séchilienne, l'inféode en 1467 à Guigues Alleman.
La maison-forte ou véhérie de Domène :
Située au milieu du bourg et sur la route principale, entre le grand ruisseau et un chemin conduisant au prieuré, elle occupait, près du pont actuel, l'emplacement transformé de nos jours en place publique. Il y avait au début du XIXe siècle deux tours et une muraille, démolies en 1825. Ces deux tours, plus la maison jointe appelée dans les derniers temps maison fermière, formaient un seul tènement, connu sous le nom de Domaine de la Tour. La prairie d'à côté et le chemin ont conservé les noms de Pré de la Tour et Chemin de la Tour.
La Tour ronde de Domène haut de page
1.Quelques rares et tardifs écrits.
Quelques mentions tardives de membres de cette famille :
- En 1446, Claude d'Arces rend hommage au dauphin pour sa maison-forte d'Arces à Domène.
- Claude Alleman, châtelain de Domène, vend en 1532 à Antoine d'Arces une part du droit de péage perçu au-dessous du grand pont de Domène.
- Guy Allard, dans son dictionnaire du Dauphiné, mentionne dans son paragraphe sur les maisons-fortes, deux bâtisses de ce genre portant le nom d'Arces : il s'agit de celle de Saint-Ismier et de celle de Domène.
- En 1732, le châtelain de Domène est Joseph d'Arces. A la même époque, la carte de Cassini montre une tour en ruine, dite d'Arces, sur les premières pentes de Belledonne, juste au-dessus de Domène, sur la rive droite du Domeynon.
La famille a donc habité en ce lieu (correspondant à des ruines sur le terrain) qui en a gardé le nom, jusqu'à une période indéterminée où elle s'est transplantée dans le bourg de Domène, sans doute à l'emplacment actuel que les habitants de Domène appellent maison-forte ou château d'Arces, grosse maison sur la place du bourg, entièrement reconstruite. Celle-ci correspond aussi peut-être à une partie de l'ancienne véhérie des Saint-Geoirs puisqu'en 1732, Henri d'Arces passe reconnaisance à l'évêque de la maison-forte de Domène appelée véhérie de la châtellenie.
2. Etude des ruines.
La petite tour que l'on peut encore voir sur le terrain se trouve non loin du hameau de Beauregard, sur l'extrémité ouest de l'épaulement surplombant Domène, bien protégée par un à pic impressionnant d'une hauteur de près de deux cents mètres, la vue plonge sur le bourg de Domène et sur une partie du Grésivaudan, en face d'elle un peu plus bas et de l'autre côté des Gorges se distingue le profil de la motte à travers les arbres.
Il s'agit donc d'une petite tour ronde, d'environ trois mètres de diamètre, composée de murs épais (plus ou moins un mètre). Elle n'est conservée que sur un étage dont le sommet a été cimenté et mis en herbe (ce qui prouve une volonté de ne pas laisser disparaitre ce vestige). L'appareil est moyen et irrégulier avec un mortier moderne par endroits. Une porte au cintre un peu angulaire et grossièrement appareillé s'ouvre du côté de la montagne (sud est) ; elle est encadrée de deux meutrières, simples rectangles non appareillés. Une autre meurtrière surveille le côté nord est, d'où arrive un chemin, aujourd'hui enfoui sous les broussailles mais encore bien visible, qui devait être l'accès de Revel à l'époque. Cette ouverture est d'une forme que l'on trouve à partir du XVe siècle, c'est-à-dire un trou rond avec une mire au-dessus. Elle est d'origine ou a-t-elle été recreusée postérieurement?.
L'unique pièce de la tour, ronde bien sûr, est couverte d'une sorte de coupole grossièrement appareillée.
A côté de la tour, au sud ouest, le sol laisse apparaître un trou et, semble-t-il, quelques restes de murs. Les habitants du coin pensent bien évidemment à un souterrain, mais sans doute s'agit-il plutôt du reste de la maison-forte, dont la petite tour n'aurait été qu'une partie. Seuls des sondages pourraient confirmer cette hypothèse, car il est impossible de voir s'il y a un arrachement du côté sud ouest de la tour, le lierre et les broussailles la défendant sauvagement.
Si l'on admet que l'embrasure pour arme à feu n'a pas été rajoutée postérieurement, cette construction remonte donc à une époque assez tardive, à partir du XVe siècle.
Les édifices religieux à Domène
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1 L'église Saint-Georges.
Aucune trace de cette ancienne église ne subsiste.
En 1027, Ainard et sa femme Fecenne donnent à Cluny l'église Saint-Georges, située "in villa ibi in sita vocabulo Domina". C'est la première mention de l'édifice. Dans la bulle du pape Etienne IX, du 6 mars 1058, confirmant l'existence de l'obédience de Domène et son appartenance à l'évêque Saint-Hugues, celle-ci, consacrée à Saint-Georges, se trouve d'après le texte non loin du château de Domène ("juxta castrum quod vocatur Domena). Saint-Georges appartenait donc dès le début du XIe siècle au seigneur du lieu. On ignore si sa fonction était paroissiale. Son vocable, courant dans la région de Grenoble et de Vienne à la fin du VIe siècle peut être un élément d'ancienneté. En tout cas, l'église n'avait pas été crée par le seigneur de Domène, puisqu'autour de 1110, l'évêque Hugues de Grenoble la donnant à part entière au prieuré de Domène, déclare qu'elle avait été auparavant accaparée par un seigneur laïc, qui en avait cependant rendu l'investiture. Elle se trouve donc à l'origine du prieuré de Domène qui est dédié à ce saint jusqu'à la dédicace de la nouvelle église Saint-Pierre et Paul, en 1058. Elle est désormais confondue avec le monastère et ne figure plus dans les différents pouillés des XIIe et XIVe siècles. Tout ceci porte à croire que Saint-Georges était située dans les environs immédiats de l'actuel prieuré, en dessous du bourg du côté de l'Isère ; le pouillé de 1497 la place en effet toute proche de l'église Saint-Pierre du prieuré. Les deux églises, plus ou moins confondues, servent toutes deux de paroisse jusqu'au XVIIIe siècle.
2. L'église Saint-Clément.
On ignore tout de cette église qui n'est citée que dans un seul texte : lors de la dédicace de l'église du prieuré de Domène en 1058, Ainard donne aux moines en même temps que Saint-Georges, l'église Saint-Clément avec toutes ses dépendances. Mais il n'est pas précisé l'emplacement de cet édifice et rien ne prouve que ce soit à Domène : il est curieux qu'elle ne soit jamais plus mentionnée par la suite alors que les chapelles Saint-André et Saint-Nicolas figurent à plusieurs reprises dans les textes et pouillés postérieurs. Le seigneur Ainard, dont les possessions dépassent déjà à cette date les limites de son mandement, a pu, s'approprier une église située dans les environs : une charte de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle parle d'une église Saint-Clément du Drac.
3. La chapelle Saint-André.
La chapelle Saint-André, du château de Domène, est citée en 1058 comme les autres édifices religieux donnés par le seigneur Ainard au prieuré de Domène. Elle doit se trouver dans l'enceinte du château puisqu'il est question dans la donnation des oblations des hommes demeurant dans ce périmètre. Mais on n'exclut pas la possibilité de l'existence antérieure du sanctuaire, que le château aurait repris à son compte : Saint-André est un vocable ancien donné à de nombreux édifices de la région aux Ve et VIe siècles.
La chapelle castrale avait sans doute pris une fonction paroissiale, desservant le bourg de Domène dont les maisons se serraient au pied du château.
4. La chapelle Saint-Nicolas du Mont Garcin.
En 1110, dans le pouillé de Saint-Hugues, figure une chapelle "Sancti Nicolai de Monte Garcinesco" qui doit 6 deniers à l'évêché.
Le lieu de Mont Garcin est cité à plusieurs reprises dans le Cartulaire de Domène. En 1058, Ainard donne au prieuré un manse "in monte Vuarcino". Autour de 1100, Arbert et sa femme font don d'un manse situé "in villa vel loco qui nominatur de Monte Vuarcino". Au XIIe siècle, l'endroit devient "Monte Garcino" et les deux manses que les moines y possèdent doivent une grosse redevance en argent et en nature.
On sait que ce lieu se situe à Domène car la chapelle est appelée "Saint-Nicolay de Domena" en 1375. A cette date, sa redevance à l'évêché s'élève à 12 livres et 10 sous, ce qui est considérable par rapport aux églises des environs et prouve son importance malgré son titre de chapelle.
En 1497, on apprend que Saint-Nicolas, "fondée hors de Domène", est unie à l'office du réfectoire du prieuré. En 1672, la chapelle existe encore, mais se trouve en fort mauvais état et Mgr Le Camus ordonne de la réparer. Dix ans plus tard, le petit édifice, situé dans un texte "au-dessus de Domène", est démoli et il est précisé que l'officier claustral du prieuré chargé du service devait auparavant y dire une messe tous les dimanches, suivant la visite de 1489.
Un seul endroit est suceptible d'être construit au-dessus de Domène, étant donné les pentes abruptes surplombant l'ensemble de la commune. Ce lieu correspond au terrain immédiatement au-dessus du bourg sur la rive gauche de Domène, moins raide vers le bas, s'élevant vers la motte. Ce quartier se nomme encore aujourd'hui Saint-Nicolas et c'est là que les Doménois auraient découvert une vieille statue.
Au début du XIIe siècle existaient donc, toutes proches l'une de l'autre, la chapelle castrale Saint-André et la chapelle Saint-Nicolas de Mont-Garcin ; proximité un peu inexplicable d'autant que les fonctions et l'origine de Saint-Nicolas ne nous sont pas connues.